mercredi 6 janvier 2010

Coup de foudre

Son cou est épais, son teint bronzé tire très légèrement sur le rouge, ses cheveux gris sont mis en valeur par une mise en plis bouclée. Il porte une chemise rose mal coupée et une montre à aiguilles pourvue d'un gros cadran et d'un bracelet métallique.
Sortant de la boulangerie une baquette à la main, il voit passer une jeune femme très mince à cheveux longs et bruns, jupe courte et décolleté large. Il la fixe avec insistance, décoche un sourire charmeur. Elle ralentit, le détaille de la tête aux pieds, s'approche de lui.
« Bonjour, dit-il.
- Bonjour.
- Je m'appelle Gilbert. Vous êtes très belle, mademoiselle.
- Moi, c'est Georgette. Enchantée. »
Elle lui tend la main, il la serre d'une façon un peu trop appuyée.
« Vous habitez par ici, Georgette ?
- Oui, dans un appartement pas très loin, à la limite de la zone d'activité. « 
Georgette a vingt-six ans, elle est célibataire et travaille aux ressources humaines de Électronique International. Gilbert en a quarante-et-un et il occupe un poste de chef de projet chez Telecom United. Il ne peut pas s'attarder car sa femme l'attend.
Ils se séparent rapidement, mais se donnent rendez-vous pour le lendemain soir à dix-huit heures trente.
***
Gilbert se gare devant la boulangerie avec dix minutes d'avance, fait les cent pas en attendant sa belle. A sept heures moins vingt, elle arrive enfin.
« Bonsoir, lui dit-il. Je suis content de vous revoir. Je peux vous faire la bise ?
- Oui, bien sûr. »
Ils joint le geste à la parole.
« Vous êtes libres jusqu'à quand ? Vous avez le temps d'aller manger ?
- Oui, j'ai prévenu que je devais rester tard au travail. Nous avons tout notre temps. Vous permettez que je vous tutoie ? »
Elle sourit.
« Oui, bien sûr. J'ai pensé que nous pourrions manger à la pizzeria du bowling de Baconier, pas très loin de l'aéroport. Tu connais ?
- Je n'y suis pas allé depuis longtemps, mais c'est une bonne idée. »
Le restaurant est situé le long du petit côté d'un immense hangar, à l'opposé des pistes de bowling. Ils s'installent dans la salle presque déserte, commandent deux pizzas et une bouteille de Lambrusco pétillant. Le bruit assourdi des parties en cours leur sert de fond sonore. Il détaille les résultats scolaires de sa progéniture, la cadette est brillante mais il est inquiet pour l'aîné, puis parle de sa femme.
« Comprend-moi bien, c'est quelqu'un de très respectable. Nous sommes mariés depuis quinze ans, tout se passe bien, nous avons deux enfants. Pour rien au monde je ne la quitterais, mais ses maternités l'ont beaucoup fait grossir, elle s'occupe de ses enfants et m'oublie un peu,elle est moins énergique qu'avant. Elle est heureuse comme ça mais moi, j'ai besoin de sortir, de me distraire. »
Il regarde deux jeunes gens, coiffés d'une casquette à l'envers et originaires d'un pays du sud, qui pénètrent dans le hangar et se dirigent vers le bowling.
« Ils me rappellent Bagneux, j'y habitais il y a deux ans. On y voyait plein de mecs comme ça.
- Bagneux, ça a une réputation sulfureuse, non ?
- Oui, la cité des musiciens ... Tout ça ... Grosse plaque tournante de la drogue. Nous n'avons jamais eu de problème, mais nous avons préféré partir. Parle-moi un peu de toi. »
Elle vivait seule, avait rompu avec son copain un mois plus tôt, préférait les hommes plus âgés qu'elle. Son poste d'assistance au service des ressources humaines lui permettait de voir du monde, d'avoir des contacts enrichissants.
« Laisse-moi te dire que, contrairement à ma femme, tu es belle et charmante. »
Enfin, arriva la fin du repas et de la bouteille de rouge pétillant. Ils burent un café, se levèrent.
« Tu veux passer chez moi ? Demanda-t-elle.
Il eut un sourire ravi.
***
Sa femme dormait. Elle ouvrit un œil lorsqu'il se glissa dans le lit.
« Quelle heure est-il ?
- Minuit moins dix. Dors mon amour. Il y a eu un problème lors de la mise en production d'une nouvelle application, et ça s'est terminé tard.
- Tu sens l'alcool.
- Nous avons bu un verre bien mérité, pour fêter notre succès. »
Il posa sa tête sur l'oreiller, s'enveloppa dans la couette et s'endormit. Toute la nuit, il rêva du corps de Georgette.

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