Je mets une chemise blanche, une cravate à larges rayures noires et blanches, et un costume noir. C'est le grand jour. Je dois faire une présentation au congrès international des télécommunications, dans le cadre d'un workshop intitulé « Les télécommunications, au delà des powerpoints ».
Je pénètre dans le lieu où se déroule la manifestation, tous mes compagnons sont là. Je les reconnais tous, même ceux que je n'ai jamais rencontrés. Leur costume sombre, leur chemise claire, leur cravate et leur expression soucieuse suffisent à les identifier. Ce sont mes pairs, mes amis. Je les aime. Tiens, voici Gérard. Je le salue.
- Bonjour André, me répond-il. J'ai vu qu'on a à bouffer gratos. Ce doit être l'avantage de ça.
Il me montre son badge portant l'inscription « Corporate Member »
Naturellement, la plupart des personnes présentes sont des hommes à la peau blanche, mais je croise également un petit nombre de femmes et d'asiatiques. Certains d'entre eux peuvent être très compétents.
Je pénètre dans les toilettes, le carrelage des murs est d'une couleur grise de bon goût, le lieu est agréablement sonorisé. Je prends plaisir à uriner en écoutant Les Quatre Saisons de Vivaldi.
L'heure tourne, le workshop doit bientôt commencer. Un peu angoissé, j'entre dans la salle. Le trac. Ça y est, c'est mon tour. Je commence à parler. Nous devons croire à l'avenir, l'innovation est vitale. Il faut adapter le business plan. Le problème c'est l'argent, pas la technique. Devant eux, j'explore les nouveaux mondes possibles. Je leur montre que l'économie mondiale dépend de notre industrie, je leur détaille les réductions de gaz à effet de serre qu'entraineraient une croissance de notre activité. Je les emmène crânement où aucun powerpoint n'est allé précédemment. Des applaudissements chaleureux retentissent. Je rougis de plaisir, remercie l'assistance, puis laisse la place à l'intervenant suivant.
A la fin du workshop, je me lève et me dirige vers la porte. C'est alors que je sens un étourdissement, je m'appuie contre le mur pour ne pas tomber. Que m'arrive-t-il ? Je jette un coup d'œil aux costumes sombres qui m'entourent, prends peur. Qui sont-ils ? Que me veulent-ils ? Je me souviens. Je dois me reprendre, savourer mon succès récent. Ce sont mes amis. Comment ai-je pu l'oublier ?
Il est l'heure de la réunion plénière. Où se trouve l'amphithéâtre ? Je remarque des jeunes gens debout, immobiles, portant un écriteau sur lequel est inscrit « Théâtre ». L'un d'entre eux me renseigne. Je suis choqué, il aurait pu me sourire ! Je trouve enfin mon chemin, m'assois. Les orateurs sont des cadres dirigeants, travaillant pour certaines des firmes organisatrices, leurs exposés sont clairs, spirituels et passionnants. Je me dirige ensuite vers un autre workshop. L'organisateur est un américain blanc, il travaille pour un équipementier chinois. Les asiatiques savent reconnaître les compétences. Les présentations sont superbes. J'exprime mon accord avec tout ce qui est dit et demande quelques précisions, d'autres question sensées et constructives sont posées par l'assistance. J'aime cet esprit de groupe...
Qu'est-ce qui ne va pas ? Mes voisins font tous le même geste de la main. Un instant, ils deviennent grisâtres, transparents, puis tout redevient normal. Que m'arrive-t-il? Je dois me ressaisir, continuer à collecter des informations pour les transmettre à mon employeur.
Le soir vient, je rentre chez moi, me couche tôt. Le lendemain matin, je me dirige vers le nouveau workshop auquel je dois assister. Je rentre dans la salle, m'assois, me prépare mentalement à faire ma présentation... Non, je suis bête, c'était hier. Aujourd'hui, je me contenterai d'écouter. Mais que se passe-t-il ? Quelles sont ces ombres qui m'entourent ? Je suis tout seul... J'ai peur.
Je sombre dans le noir.
André vivait seul depuis son divorce, deux ans plus tôt. Il travaillait comme un forcené, ne fréquentant que ses collègues. On trouva son corps dans son appartement. Il était mort trois semaines plus tôt, la veille du congrès.
dimanche 24 janvier 2010
mercredi 6 janvier 2010
Coup de foudre
Son cou est épais, son teint bronzé tire très légèrement sur le rouge, ses cheveux gris sont mis en valeur par une mise en plis bouclée. Il porte une chemise rose mal coupée et une montre à aiguilles pourvue d'un gros cadran et d'un bracelet métallique.
Sortant de la boulangerie une baquette à la main, il voit passer une jeune femme très mince à cheveux longs et bruns, jupe courte et décolleté large. Il la fixe avec insistance, décoche un sourire charmeur. Elle ralentit, le détaille de la tête aux pieds, s'approche de lui.
« Bonjour, dit-il.
- Bonjour.
- Je m'appelle Gilbert. Vous êtes très belle, mademoiselle.
- Moi, c'est Georgette. Enchantée. »
Elle lui tend la main, il la serre d'une façon un peu trop appuyée.
« Vous habitez par ici, Georgette ?
- Oui, dans un appartement pas très loin, à la limite de la zone d'activité. «
Georgette a vingt-six ans, elle est célibataire et travaille aux ressources humaines de Électronique International. Gilbert en a quarante-et-un et il occupe un poste de chef de projet chez Telecom United. Il ne peut pas s'attarder car sa femme l'attend.
Ils se séparent rapidement, mais se donnent rendez-vous pour le lendemain soir à dix-huit heures trente.
***
Gilbert se gare devant la boulangerie avec dix minutes d'avance, fait les cent pas en attendant sa belle. A sept heures moins vingt, elle arrive enfin.
« Bonsoir, lui dit-il. Je suis content de vous revoir. Je peux vous faire la bise ?
- Oui, bien sûr. »
Ils joint le geste à la parole.
« Vous êtes libres jusqu'à quand ? Vous avez le temps d'aller manger ?
- Oui, j'ai prévenu que je devais rester tard au travail. Nous avons tout notre temps. Vous permettez que je vous tutoie ? »
Elle sourit.
« Oui, bien sûr. J'ai pensé que nous pourrions manger à la pizzeria du bowling de Baconier, pas très loin de l'aéroport. Tu connais ?
- Je n'y suis pas allé depuis longtemps, mais c'est une bonne idée. »
Le restaurant est situé le long du petit côté d'un immense hangar, à l'opposé des pistes de bowling. Ils s'installent dans la salle presque déserte, commandent deux pizzas et une bouteille de Lambrusco pétillant. Le bruit assourdi des parties en cours leur sert de fond sonore. Il détaille les résultats scolaires de sa progéniture, la cadette est brillante mais il est inquiet pour l'aîné, puis parle de sa femme.
« Comprend-moi bien, c'est quelqu'un de très respectable. Nous sommes mariés depuis quinze ans, tout se passe bien, nous avons deux enfants. Pour rien au monde je ne la quitterais, mais ses maternités l'ont beaucoup fait grossir, elle s'occupe de ses enfants et m'oublie un peu,elle est moins énergique qu'avant. Elle est heureuse comme ça mais moi, j'ai besoin de sortir, de me distraire. »
Il regarde deux jeunes gens, coiffés d'une casquette à l'envers et originaires d'un pays du sud, qui pénètrent dans le hangar et se dirigent vers le bowling.
« Ils me rappellent Bagneux, j'y habitais il y a deux ans. On y voyait plein de mecs comme ça.
- Bagneux, ça a une réputation sulfureuse, non ?
- Oui, la cité des musiciens ... Tout ça ... Grosse plaque tournante de la drogue. Nous n'avons jamais eu de problème, mais nous avons préféré partir. Parle-moi un peu de toi. »
Elle vivait seule, avait rompu avec son copain un mois plus tôt, préférait les hommes plus âgés qu'elle. Son poste d'assistance au service des ressources humaines lui permettait de voir du monde, d'avoir des contacts enrichissants.
« Laisse-moi te dire que, contrairement à ma femme, tu es belle et charmante. »
Enfin, arriva la fin du repas et de la bouteille de rouge pétillant. Ils burent un café, se levèrent.
« Tu veux passer chez moi ? Demanda-t-elle.
Il eut un sourire ravi.
***
Sa femme dormait. Elle ouvrit un œil lorsqu'il se glissa dans le lit.
« Quelle heure est-il ?
- Minuit moins dix. Dors mon amour. Il y a eu un problème lors de la mise en production d'une nouvelle application, et ça s'est terminé tard.
- Tu sens l'alcool.
- Nous avons bu un verre bien mérité, pour fêter notre succès. »
Il posa sa tête sur l'oreiller, s'enveloppa dans la couette et s'endormit. Toute la nuit, il rêva du corps de Georgette.
Sortant de la boulangerie une baquette à la main, il voit passer une jeune femme très mince à cheveux longs et bruns, jupe courte et décolleté large. Il la fixe avec insistance, décoche un sourire charmeur. Elle ralentit, le détaille de la tête aux pieds, s'approche de lui.
« Bonjour, dit-il.
- Bonjour.
- Je m'appelle Gilbert. Vous êtes très belle, mademoiselle.
- Moi, c'est Georgette. Enchantée. »
Elle lui tend la main, il la serre d'une façon un peu trop appuyée.
« Vous habitez par ici, Georgette ?
- Oui, dans un appartement pas très loin, à la limite de la zone d'activité. «
Georgette a vingt-six ans, elle est célibataire et travaille aux ressources humaines de Électronique International. Gilbert en a quarante-et-un et il occupe un poste de chef de projet chez Telecom United. Il ne peut pas s'attarder car sa femme l'attend.
Ils se séparent rapidement, mais se donnent rendez-vous pour le lendemain soir à dix-huit heures trente.
***
Gilbert se gare devant la boulangerie avec dix minutes d'avance, fait les cent pas en attendant sa belle. A sept heures moins vingt, elle arrive enfin.
« Bonsoir, lui dit-il. Je suis content de vous revoir. Je peux vous faire la bise ?
- Oui, bien sûr. »
Ils joint le geste à la parole.
« Vous êtes libres jusqu'à quand ? Vous avez le temps d'aller manger ?
- Oui, j'ai prévenu que je devais rester tard au travail. Nous avons tout notre temps. Vous permettez que je vous tutoie ? »
Elle sourit.
« Oui, bien sûr. J'ai pensé que nous pourrions manger à la pizzeria du bowling de Baconier, pas très loin de l'aéroport. Tu connais ?
- Je n'y suis pas allé depuis longtemps, mais c'est une bonne idée. »
Le restaurant est situé le long du petit côté d'un immense hangar, à l'opposé des pistes de bowling. Ils s'installent dans la salle presque déserte, commandent deux pizzas et une bouteille de Lambrusco pétillant. Le bruit assourdi des parties en cours leur sert de fond sonore. Il détaille les résultats scolaires de sa progéniture, la cadette est brillante mais il est inquiet pour l'aîné, puis parle de sa femme.
« Comprend-moi bien, c'est quelqu'un de très respectable. Nous sommes mariés depuis quinze ans, tout se passe bien, nous avons deux enfants. Pour rien au monde je ne la quitterais, mais ses maternités l'ont beaucoup fait grossir, elle s'occupe de ses enfants et m'oublie un peu,elle est moins énergique qu'avant. Elle est heureuse comme ça mais moi, j'ai besoin de sortir, de me distraire. »
Il regarde deux jeunes gens, coiffés d'une casquette à l'envers et originaires d'un pays du sud, qui pénètrent dans le hangar et se dirigent vers le bowling.
« Ils me rappellent Bagneux, j'y habitais il y a deux ans. On y voyait plein de mecs comme ça.
- Bagneux, ça a une réputation sulfureuse, non ?
- Oui, la cité des musiciens ... Tout ça ... Grosse plaque tournante de la drogue. Nous n'avons jamais eu de problème, mais nous avons préféré partir. Parle-moi un peu de toi. »
Elle vivait seule, avait rompu avec son copain un mois plus tôt, préférait les hommes plus âgés qu'elle. Son poste d'assistance au service des ressources humaines lui permettait de voir du monde, d'avoir des contacts enrichissants.
« Laisse-moi te dire que, contrairement à ma femme, tu es belle et charmante. »
Enfin, arriva la fin du repas et de la bouteille de rouge pétillant. Ils burent un café, se levèrent.
« Tu veux passer chez moi ? Demanda-t-elle.
Il eut un sourire ravi.
***
Sa femme dormait. Elle ouvrit un œil lorsqu'il se glissa dans le lit.
« Quelle heure est-il ?
- Minuit moins dix. Dors mon amour. Il y a eu un problème lors de la mise en production d'une nouvelle application, et ça s'est terminé tard.
- Tu sens l'alcool.
- Nous avons bu un verre bien mérité, pour fêter notre succès. »
Il posa sa tête sur l'oreiller, s'enveloppa dans la couette et s'endormit. Toute la nuit, il rêva du corps de Georgette.
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