dimanche 15 novembre 2009

La Liberté, version café du commerce


« Celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour lui-même est un esclave, qu'il soit d'ailleurs ce qu'il veut : politique, marchand, fonctionnaire, érudit.»
Friedrich Nietzsche - Humain, trop humain


Il était vendredi matin, je pénétrai dans mon bureau.
« Bonjour, me dit mon collègue. Tu vas bien ?
- Oui . Ça ira encore mieux ce soir.
- Pourquoi, ce soir tu sors ?
- Non, mais c’est le week-end. Tu sais, on appelle ça le congé de fin de semaine. »
Un bref silence a alors retenti, que je mis à profit pour ouvrir une session sur mon ordinateur.
« Vous avez le droit, en temps qu’internes, de faire la journée continue ? »
Le mot « interne » était employé par opposition avec « sous-traitant ». Mon collègue travaille pour la même entreprise que moi, mais il est délégué par une société extérieure.
« Euh… Qu’est-ce que tu veux dire par journée continue ?
- Et bien, par exemple, travailler sans s’arrêter quatre cent jours par an.
- Non, c’est illégal. »
Il prit un air déçu.
« Ah, c’est interdit par la sécurité sociale. 
- Par le code du travail, je crois. Et puis, celui qui ferait ça finirait probablement l’année à l’hôpital. 
- Ça dépend, il y a des gens, à une période de leur vie, ben… ils ont que le boulot. Il faudrait les laisser travailler en les rémunérant correctement. La liberté quoi. »
J’avoue que cette proposition m’a étonné. On nous permet déjà de nous tuer à la tâche, voire on nous y encourage fortement. Apparemment, ce n’est pas suffisant. Certains hommes n’ont aucun but dans leur vie, le peu de liberté dont ils disposent leur pèse, il est urgent d’améliorer leur situation. Dans ce but, faisons rapidement sauter les derniers obstacles les empêchant de se tuer au travail.

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