mardi 17 novembre 2009

Alain Peyrefitte dans le métro de Nicolas S.



Pour plus d'informations sur la loi "sécurité et liberté", vous pouvez vous reporter ici.

dimanche 15 novembre 2009

La Liberté, version café du commerce


« Celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour lui-même est un esclave, qu'il soit d'ailleurs ce qu'il veut : politique, marchand, fonctionnaire, érudit.»
Friedrich Nietzsche - Humain, trop humain


Il était vendredi matin, je pénétrai dans mon bureau.
« Bonjour, me dit mon collègue. Tu vas bien ?
- Oui . Ça ira encore mieux ce soir.
- Pourquoi, ce soir tu sors ?
- Non, mais c’est le week-end. Tu sais, on appelle ça le congé de fin de semaine. »
Un bref silence a alors retenti, que je mis à profit pour ouvrir une session sur mon ordinateur.
« Vous avez le droit, en temps qu’internes, de faire la journée continue ? »
Le mot « interne » était employé par opposition avec « sous-traitant ». Mon collègue travaille pour la même entreprise que moi, mais il est délégué par une société extérieure.
« Euh… Qu’est-ce que tu veux dire par journée continue ?
- Et bien, par exemple, travailler sans s’arrêter quatre cent jours par an.
- Non, c’est illégal. »
Il prit un air déçu.
« Ah, c’est interdit par la sécurité sociale. 
- Par le code du travail, je crois. Et puis, celui qui ferait ça finirait probablement l’année à l’hôpital. 
- Ça dépend, il y a des gens, à une période de leur vie, ben… ils ont que le boulot. Il faudrait les laisser travailler en les rémunérant correctement. La liberté quoi. »
J’avoue que cette proposition m’a étonné. On nous permet déjà de nous tuer à la tâche, voire on nous y encourage fortement. Apparemment, ce n’est pas suffisant. Certains hommes n’ont aucun but dans leur vie, le peu de liberté dont ils disposent leur pèse, il est urgent d’améliorer leur situation. Dans ce but, faisons rapidement sauter les derniers obstacles les empêchant de se tuer au travail.

mardi 10 novembre 2009

Les règles du contrôle

J'ai quitté le quai du RER et commencé à me diriger vers mon bureau. Je savais que ce jour là, comme d'habitude, je devrais participer à (je me permet d'utiliser cet oxymore) des réunions à distance, dire chaleureusement bonjour à des gens que je n'avais jamais vus et que j'avais peu de chances de rencontrer un jour. Entre deux rendez-vous, je serais amené à lire et écrire des emails, et à jongler avec de nombreux documents électroniques au format texte ou tableur.
Tout en avançant, j'ai aperçu Georges Bertrand, directeur de projet dans l'entreprise où je travaille. Ses cheveux bien coiffés et légèrement gonflés étaient divisés par une raie, il portait un costume gris bien coupé. Je lui ai dit bonjour, et nous avons traversé ensemble un nouveau quartier de bureaux. Des gendarmes étaient là, à l'affût, ils surveillaient la circulation dans une petite rue.
« C'est étonnant de les voir ici, me dit mon compagnon. Je croyais que, normalement, c'était plutôt la tâche de la police.
- Je ne sais pas...Pourquoi?
- Nous sommes en zone urbaine, de la compétence de la police. Les gendarmes se cantonnent aux zones rurales. Je crois que c'est la règle...Enfin, je dis ça mais je ne suis pas spécialiste. Je peux me tromper.
- D'accord. »
Je suis resté muet, émerveillé par sa science. Comment fait-il pour savoir tant de choses? Je ne m'étais jamais demandé qui avait le droit de me surveiller. Je devrais vraiment m'intéresser aux règles, à toutes les règles, dans tous les domaines, les ruminer longuement, me pénétrer de leur importance. Je pourrais alors en discuter avec mes camarades de travail, je serais plus à l'aise, je progresserais plus facilement. Peut-être même deviendrais-je directeur de projet?