dimanche 18 octobre 2009
Le management du psychosocial
J'ai été frappé par une des dernières tentatives de suicide survenues dans un groupe connu, représenté par un logo sur fond noir.
Avant de tenter de se pendre, cet homme avait envoyé des SMS d'adieu à ses managers, qui ont appelé les secours. Il a été sauvé in extremis. Un communiqué interne à l'entreprise a fuité sur le web. Selon lui, tout va bien, « le drame a été évité grâce à la vigilance de ses collègues ». La direction affiche « consternation et tristesse », mais n'oublie pas de signaler qu'il était en congé maladie depuis quelques semaines et soutenu par une équipe « médico-sociale ». Ce n'est pas dit explicitement, mais on pourrait en déduire que l'employeur n'a rien à se reprocher, puisqu'il le laissait se reposer chez lui et le faisait suivre par des spécialistes.
Je vous rassure, tout est fait pour éviter de tels drames. Des plans d'action sont en cours, ils visent à « soutenir et entendre la souffrance ». Pour ce qui est de la diminuer, nous verrons plus tard. Le communiqué ne nous parle pas de situations individuelles bloquées, de harcèlement, de détresse. Il nous promet une prise en compte rapide des « risques psychosociaux », risques que les chefs vont apprendre à manager. Pas de suicides, pas de morts, seul reste ce concept abstrait. Et comment une entreprise pourrait-elle être responsable d'un tel phénomène ?
Enfin, précise-t-on, c'est à vous, salariés, de faire attention. Si vous voyez quelqu'un qui a l'air triste, qui semble déprimer, informez tout de suite votre chef, vos collègues, à la limite le premier policier qui passe. C'est pour son bien, il faut empêcher un drame dont vous seriez tous responsables. « Plus que jamais, la vigilance de chacun reste néanmoins indispensable. »
Bien entendu, ces glissements conceptuels visant à transformer des morts en abstractions, et ces appels à la délation, ne sont pas l'apanage d'une seule entreprise. Dans la SSII qui m'emploie, j'observe tous les jours des pratiques analogues.
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